Plusieurs enseignes internationales continuent d’écouler des millions de pièces produites dans des ateliers où les droits fondamentaux des travailleurs restent bafoués, en dépit de campagnes de sensibilisation et de lois renforcées sur la transparence des chaînes d’approvisionnement. Certaines marques figurent sur des listes noires pour avoir, par le passé, dissimulé des pratiques jugées contraires à l’éthique, sans que cela n’impacte visiblement leur chiffre d’affaires.
Des rapports indépendants révèlent que des infractions environnementales persistantes sont régulièrement enregistrées, tandis que des initiatives de greenwashing servent d’écran à des stratégies industrielles inchangées. Des ONG et des experts identifient ainsi des entreprises à écarter pour limiter l’impact social et écologique de la fast fashion.
Fast fashion : pourquoi certaines marques sont dans le viseur ?
Le modèle de la fast fashion a envahi les rayons à une vitesse fulgurante, proposant des vêtements à prix bas et renouvelant les collections au rythme effréné des tendances. SHEIN, H&M ou Primark : ces enseignes dominent systématiquement les discussions dès que l’on aborde la liste des marques pointées du doigt par les ONG ou les professionnels du secteur. Derrière la promesse de nouveautés constantes, la réalité est moins reluisante : production accélérée, matériaux de piètre qualité, et un impact environnemental et social qui ne cesse de s’alourdir.
Mais l’enjeu ne se limite pas à une question de surconsommation. Greenpeace et Public Eye dénoncent la pollution massive générée par la fast fashion, surtout dans les pays qui servent d’ateliers au reste du monde. Déchets textiles à la pelle, émissions de CO2 hors de contrôle, cours d’eau saturés de substances chimiques, chaque étape du cycle de vie des produits laisse des traces indélébiles. Teenage Lab chiffre à 22 % la part des émissions de CO2 imputées à SHEIN dans la consommation textile des adolescentes françaises.
Les conséquences sociales ne sont pas en reste. Derrière les vitrines, la réalité, c’est aussi des conditions de travail inacceptables, des salaires qui frisent l’indécence et un recours massif à une main-d’œuvre exploitée dans des pays où la protection sociale fait défaut. Public Eye a mis en lumière les cadences extrêmes imposées chez SHEIN. S’y ajoutent le plagiat de marques indépendantes comme Maison Cléo, l’utilisation d’algorithmes pour traquer les tendances et des campagnes marketing ultra-ciblées qui poussent à acheter toujours plus.
La communication n’est pas en reste : le greenwashing s’invite dans le discours de certaines enseignes, qui mettent en avant des collections annoncées comme « éco-responsables » ou des promesses de « mode durable ». Mais ces initiatives cachent souvent un statu quo, sans véritable remise en cause du modèle. Face à ces pratiques, ONG, journalistes, consommateurs engagés et campagnes comme #boycottshein multiplient les appels au boycott pour briser le silence et dénoncer les effets délétères de cette industrie mondialisée.
Qui sont les marques à boycotter et quelles pratiques leur sont reprochées ?
La liste des marques à boycotter s’étend au fil des mobilisations et des enquêtes. Les enseignes suivantes font figure de symboles : SHEIN, H&M, Primark, Forever 21. Elles incarnent à elles seules les dérives de la fast fashion. ONG et chercheurs leur attribuent l’usage systématique de matières de mauvaise qualité, une pollution massive et l’exploitation d’une main-d’œuvre sous-payée et parfois traitée sans ménagement. SHEIN concentre la majorité des critiques : soupçons d’exploitation de la minorité ouïghoure, copiage de créateurs indépendants, sans oublier une stratégie commerciale qui pousse à consommer toujours plus à coups d’algorithmes et de publicités ciblées.
Au-delà du secteur textile, d’autres entreprises sont régulièrement citées dans les appels au boycott, notamment dans le cadre du mouvement BDS qui cible des groupes impliqués dans l’économie israélienne ou présents dans les colonies en Cisjordanie. Voici quelques exemples de marques et pratiques dénoncées :
- Puma et HP sont accusées de soutenir logistiquement ou commercialement des infrastructures controversées.
- Ahava et Sodastream sont critiquées pour exploiter des ressources issues de territoires sous occupation.
- Caterpillar, AXA et Mehadrin sont pointées du doigt pour leur participation à la perpétuation d’un statu quo en contradiction avec le droit international.
Le secteur de la grande consommation n’échappe pas non plus aux critiques. Nestlé, Coca-Cola, PepsiCo et Unilever sont régulièrement visés pour leurs pratiques environnementales, sociales ou encore leurs choix géopolitiques. Leurs filiales et produits se retrouvent souvent au cœur des campagnes de boycott, relayées par des associations et mouvements actifs sur les terrains politique et culturel en France comme à l’étranger.
Changer ses habitudes : vers une consommation plus responsable et engagée
Pour s’affranchir de la dépendance aux enseignes épinglées, il faut revoir ses réflexes d’achat. La notion de consommation responsable gagne du terrain, autant dans les discours que dans les choix quotidiens. L’essor de l’économie circulaire et de l’upcycling en témoigne. Miser sur la qualité, allonger la durée de vie des vêtements, éviter la tentation des promotions à répétition : ces habitudes s’installent peu à peu. Les plateformes de seconde main et la réparation deviennent des gestes naturels pour de plus en plus de consommateurs.
Certains outils numériques accompagnent cette évolution. L’application Good On You analyse l’éthique de centaines de marques de mode, en se basant sur des critères sociaux, environnementaux et de transparence. Buycott offre la possibilité d’identifier, directement en magasin, les produits associés à des pratiques contestées ou à des entreprises visées par des appels au boycott.
Voici quelques pistes concrètes pour adopter des habitudes de consommation plus alignées avec vos valeurs :
- Optez pour des marques qui s’engagent réellement dans une démarche de progrès, et savent éviter les pièges du greenwashing.
- Favorisez l’achat local, vérifiez la traçabilité et fiez-vous à des labels indépendants.
- Essayez l’upcycling ou la location de vêtements pour limiter la surconsommation.
La sensibilisation s’étend, portée entre autres par le Réseau des femmes en environnement. Caroline Larocque le souligne : « Tout le monde a un rôle à jouer face aux marques de fast fashion. » Les applications mobiles, la mobilisation citoyenne et la diffusion d’études sur l’impact environnemental contribuent à transformer le rapport à la mode et aux produits du quotidien.
Prendre ses distances avec les marques controversées, c’est refuser d’être complice d’un modèle qui écrase sans scrupules la planète et ceux qui la peuplent. Face à l’accumulation des scandales, chaque choix d’achat peut devenir une déclaration : celle de ne plus fermer les yeux.